"Ainsi l'impérialisme, tel le chasseur de la préhistoire, tue d'abord spirituellement l'être, avant de chercher à l'éliminer physiquement. La négation de l'histoire et des réalisations intellectuelles des peuples africains noirs est le meurtre culturel, mental, qui a déjà précédé et préparé le génocide ici et là dans le monde."

Cheikh Anta Diop

À la lumière de la citation qui précède, on remarque que l'oppresseur bâtit un paradigme spécial qui va servir son ambition de conquête. En effet, la conquête ne se résume pas uniquement en conquête territoriale mais aussi en conquête psychologique, la possession de l'esprit du conquis est la réelle victoire. Une telle victoire est préférable car vaincre physiquement est éphémère mais la victoire psychologique est durable. La victoire psychologique (l’aliénation mentale) est la seule garantie d’une Occupation stable dans le temps afin d’exploiter sans embûches les ressources disponibles sur le nouveau territoire conquis.

En ce qui nous concerne, le paradigme européen conçu pour notre oppression est chargé d'armes de domination mentale qui ont pour principal objectif de solliciter le consentement de notre peuple à aimer sa servitude afin de faciliter la spoliation de ses biens. Ces armes de domination mentale, au cœur de l'opération militaire de conquête, opèrent principalement sous trois formes: l'action économique, l'action intellectuelle et l'action spirituelle. Ces trois actions, érigées en trois dogmes primordiaux de déshumanisation, vont nous être présentés comme des vérités générales afin qu'on puisse s'accommoder de la domination perpétuelle qui s'offre à nous.

Sur la durée, ces trois actions endorment notre conscience et le SOMMEIL PSYCHOLOGIQUE est au rendez-vous en agissant de la façon suivante:

 

1) L'action économique

Premier dogme primordial: "Les Nègres ont une économie primitive".

Le vocabulaire de la plantation ayant miné notre estime de soi au point que l'on trouve naturel d'être débiteur après tant de siècles de tragédie. Le manque d'esprit critique et de capacité d'entendement, alimentés par un appauvrissement du langage, nous commande de collaborer à la spoliation légalisée de notre territoire. Nous nous complaisons dans une économie de rente, une économie d'exportation de matières premières et peu à la recherche et développement des produits et services à forte valeur ajouté. De plus, on s'en remet souvent à la providence de l'industrie touristique et au lustre des cocotiers comme moteur économique au risque d'entretenir des clichés d'exotisme d'un autre âge. En effet, peut-on citer un seul pays dans l'histoire de l'humanité qui doit son dynamisme économique au tourisme ?

Cette spoliation légalisée est maquillée par un vocabulaire économique opaque au nom duquel une prospérité est à venir tel que "tiers-monde", "sous-développé", "pays les moins endettés", "pays émergents" et bien d'autres. Une prospérité promise par les marchands de rêves qui sillonnent la planète de tout temps en quête de pillage tout en élaborant un cadre législatif international de rapine contre nous (code noir, code de l'indigénat, pacte colonial, programme d'ajustement structurel, bail emphytéotique, accords de régulation de flux migratoire, etc…) et qui font de leur idéal, le mercantilisme absolutiste, un élixir de jouissance obsessionnel-compulsif.

Rappelons que le marchand de rêve est une personne contaminée par le complexe de supériorité et qui use de son influence pour endormir la conscience de justice des autres afin d'assouvir son besoin existentiel de dominer et servir son idéal, le mercantilisme absolutiste.

Par conséquent, cette action économique tente de sceller notre servitude économique conformément au mode de production eurasiatique: l'esclavage qui dans sa forme actuelle est maquillé sous la forme du capitalisme globalisé. L'analphabétisme culturel sévissant grandement dans notre communauté, il est pour plusieurs difficile de cerner avec lucidité les tenants et les aboutissants de cette servitude économique sauf pour celles et ceux qui ont été éduqués dans la perspective d'une Conscience Historique au sens définit par le professeur Cheikh Anta Diop.

Voir également l'arnaque du paradigme du "Développement".

 

2) L'action intellectuelle

Elle se traduit par la construction du deuxième dogme primordial: "Les Nègres n'ont rien inventé et ont tout reçu".

À ce stade, notre génie créateur est systématiquement nié à travers des disciplines de sciences humaines et d'idéologies crées à cet effet (ethnologie, africanisme, etc…) dont les impacts dévastateurs sont perpétués sur chaque génération par le biais de l'école. Le changement de nos repères culturels entraîne un vide culturel qui provoque notre "analphabétisme culturel".

La négation de notre génie créateur s'opère d'une part à travers l'exploitation d'un corpus lexical réducteur, que nous appelons le "vocabulaire de la plantation", qui a pour but de nous convaincre de notre infériorité civilisationelle chronique. D'autre part, nous sommes encouragés à nous éloigner de nos langues ancestrales à travers lesquelles nous exprimons habituellement notre génie créateur.

- c'est dans ce "vocabulaire de la plantation" que nous puisons l'essentiel de notre identité et de nos repères civilisationels (Noir, Black, Pygmée, Africain, Lac Victoria, Nilotique, etc…);

- l'expression de notre génie créateur se produit à travers la langue des autres et est consolidée à travers des zones d'influence qui nous divisent telles que la francophonie, l'anglophonie et la lusophonie dont ces derniers servent la géopolitique de leurs promoteurs .

Par cette action, notre servitude intellectuelle semble se justifier par l'idée que nos langues ancestrales ne peuvent supporter des concepts abstraits et un vocabulaire scientifique élaboré. Cependant, la négation de nos langues ancestrales a un impact direct sur l'appauvrissement de notre pensée, de notre esprit critique étant donné que les subtilités de la langue d'autrui ne sont pas maîtrisées.

Cette pauvreté de l'esprit critique entraîne une lecture naïve du monde, une incapacité chronique à décrypter des concepts hostiles et des paradigmes belliqueux encodés dans ce vocabulaire de la plantation.

Ainsi, le dogme de la négation de notre génie créateur entretient le complexe d'infériorité et freine bien d'initiatives. L'anesthésie de notre conscience créée par cette perception d'avoir eu le privilège de recevoir des autres tous les éléments de la civilisation, nous amène à nous contenter de petites prouesses dans le concert des nations et à idolâtrer le génie créateur des autres. Se sentir petit dans ses souliers entraîne une consommation compulsive d'articles conçus ailleurs, de type "dernier cri", pour se donner un air de noblesse pathétique qui nous renvoie à l'image du bon sauvage singeant son maître et confirmant, ainsi, la thèse selon laquelle nous sommes une société d'imitation et non d'innovation.

La répétition d'une image négative de nous-mêmes, notamment à l'école, restreint nos perceptions et favorise l'apparition d'un comportement d'impuissance caractérisé par la peur, l'incertitude chronique du lendemain et le doute permanent. Ce comportement monopolise toutes nos énergies sur le développement de stratégies de survie à court terme .

Au sujet de l'élaboration d'un nouveau corpus lexical
par professeur Théophile Obenga

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vidéo: courtoisie de AFRICAMAAT

 

3) L'action spirituelle

La mise sous influence de notre Peuple se traduit par la construction du premier dogme primordial: "Les Nègres sont idolâtres".

À ce stade, notre raffinement spirituel ancestral est systématiquement nié à travers un prosélytisme offensif. Le changement de repère spirituel de notre peuple entraîne un vide spirituel qui provoque "l'analphabétisme de notre spiritualité ancestrale" pourtant monothéiste depuis les origines du monde.

Dans la spiritualité reçue par prosélytisme:

- la langue sacrée est celle des autres (le latin dans le Christianisme, l'arabe dans l'Islam);

- nous vouons un culte aux villes saintes des autres et à leurs ancêtres qui sont communément appelés "les Saints" dans leur liturgie respective;

- notre rédemption n'est possible que grâce à la venue d'un Sauveur mythique appartenant à l'univers culturel des autres.

Par cette action, notre servitude spirituelle nous semble naturelle d'autant plus que les positions appréciables que tiennent les autres dans ces courants religieux sont voulues par leur Dieu, devenu par prosélytisme le nôtre.

Endormir nos ambitions de civilisation est à ce stade l'enjeu, le programme politique, d'autant plus que les interprétations des signes et des rêves, dans ces courants religieux, dépeignent des évènements futurs et prédestinés qui ne nous sont guère favorables de toutes les façons. Notre bonheur ne semble être possible qu'au cours de la vie éternelle uniquement et dans un paradis dont les représentations imagées existantes ne montrent aucun ange qui nous ressemble et de surcroît uniquement masculin. Nos vies terrestres semblent donc être en suspens jusqu'à la mort, qui représente apparemment le commencement de la Vraie Vie dans un au-delà dont les locataires divins ne nous ressemblent guère visiblement.

Notre absorption de ces courants religieux, qui magnifient l'impérialisme masculin, a fait basculer l'Équilibre plurimillénaire de notre Société vers le désordre, le chaos, en déplaçant notre Centre de Gravité, représenté par la Femme à travers l'Institution du Matriarcat, vers un patriarcat mimétique étriqué.

Ainsi, notre credo est inondé de culpabilité permanente du pécheur incurable et de philosophie du fatalisme, due à la prédestination des évènements futurs qui noient nos ambitions terrestres, ajouté à la gêne d'avoir été auparavant idolâtre. Cette action spirituelle tend à endormir notre conscience au point d'implorer la Miséricorde Divine à coup de billets qui ne font que renflouer les coffres de leurs institutions religieuses. L'entrée au paradis n'étant pourtant pas une marchandise.

Au sujet de l'analphabétisme spirituel
par professeur Kapet de Bana

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audio: courtoisie de BCD LABEL

 

Conclusion

Ce processus de sollicitation du consentement valorise l'idée du Nègre "idolâtre", responsable d'aucun génie créateur, dont la rédemption ainsi que la prospérité économique dépendent de la domination humanitaire des autres maquillée en altruisme, l'Altruisme Mercantile, ou en devoir "moral" d'ingérence.

Cette suggestion à adhérer au paradigme de la "Domination Humanitaire", qui nous renvoie l'image de l'assisté perpétuel, nous pousse à considérer l'idée d'une tutelle politique de notre territoire, hautement convoité de tout temps par les marchands de rêves, prétextant sa mauvaise gouvernance chronique.

Ainsi, plus la suggestion du consentement est répétée, surtout par le biais de l'école, plus elle entrera dans l'inconscient collectif comme un mal nécessaire afin de s'arracher d'une certaine barbarie récurrente.

Avec de telles armes de domination mentale introduites à l'école, le parcours scolaire sur le continent ressemble à de l'auto-flagellation. On y sort avec une mentalité de vaincu, une estime de soi à plat. On finit par concevoir son épanouissement selon le point de vue de celui à qui on "doit" sa lucidité, l'Occident. Par conséquent, on reproduit des schémas qui vont toujours dans le sens d'attendre l'approbation du maître, la "Communauté Internationale" c'est-à-dire 5 pays (les 5 pays du Conseil de Sécurité de l'O.N.U.). On devient un être naïf qui croit religieusement à la sueur des marchands de rêves issus du paradigme de la Domination Humanitaire. Effrayé par les défis à surmonter après autant de siècles de destruction, plusieurs d'entre nous arrivent même à être nostalgique du temps de l'Occupation (improprement appelé "Colonisation", mot appartenant au vocabulaire de la plantation).

Concernant la question scolaire, prenons le cas de Faidherbe, un général français envoyé à la conquête du Sénégal au 19e siècle. Lorsqu’il commence la conquête, il crée " l’École des Otages " qui est devenue par la suite "Collège des fils de chefs et d'interprètes". Après qu’il ait vaincu les résistances locales militairement, il prenait les fils des vaincus et les amenait dans son École des Otages afin de leur inculquer les rudiments de la culture française.

L’objectif visé par cette démarche était de tuer durablement le résistant qui était en eux en changeant complètement leur repère culturel. L’asservissement culturelle ainsi accomplit (l’aliénation mentale), on en sort transformé dans la manière de se vêtir, de se coiffer, de s’exprimer, de se percevoir, etc.. En un tour de main, cette école devient une usine à fabriquer du personnel auxiliaire au pouvoir de l'Occupant, une usine à fabriquer des aliénés. Cette école endort leur conscience au point de solliciter leur consentement à AIMER LEUR SERVITUDE.

Que nous montre la présence de cette institution scolaire en pleine conquête ?

On s’aperçoit que cette école fait partie de la stratégie militaire de l’Occupant. Elle est la pièce maîtresse d’une Occupation durable dans le temps.

Par conséquent, le changement des repères, à travers les actions économique, intellectuelle et spirituelle, représentent la réelle victoire sur les vaincus. Enfin, le système scolaire tel qu'il est conçu actuellement sur le continent n'est qu'une version recyclée de l'École des Otages, qui nous fait rêver de l'Occident au point qu'il est devenu naturel dans chaque famille, sur le continent, de larguer ses enfants en Europe ou en Amérique chez le maître "Blanc" à la fin de leurs études secondaires. Ce stade intellectuel second, de l'école secondaire, est devenu le sésame scolaire de toute une société vers la condition d'Évolué à la sortie des universités du Maître. Cela revient à nous croire sans personnalité, c'est-à-dire sans Histoire. Ainsi, un auteur que beaucoup admire, sans connaître son côté profondément haineux à l'égard de notre communauté, disait avec justesse ce qui suit:

"Le peuple vaincu tâche toujours d’imiter le vainqueur par la tenue, la manière de s’habiller, les opinions et les usages. Les hommes regardent toujours comme un être supérieur celui qui les a subjugués et qui les domine. Inspirés d’une crainte révérencielle envers lui, ils le voient entouré de toutes les perfections, ou bien ils les lui attribuent, pour ne pas admettre que leur asservissement ait été effectué par des moyens ordinaires. Si cette illusion se prolonge, elle devient pour eux une certitude. Alors ils adoptent les usages du maître et tâchent de lui ressembler sous tous les rapports. C’est par esprit d’imitation qu’ils agissent ainsi, ou bien parce qu’ils s’imaginent que le peuple vainqueur doit sa supériorité non pas à sa puissance ni à son esprit de corps, mais aux usages et aux pratiques par lesquels il se distingue. Cette manière de se dissimuler sa propre infériorité a pour motif le sentiment que nous venons de signaler. Aussi peut-on remarquer que partout les peuples vaincus tâchent de ressembler à leurs maîtres par l’habillement, les équipages, les armes et tous les usages de la vie. Voyez comme les enfants se modèlent sur leurs pères, et cela parce qu’ils les regardent comme des êtres sans défaut."

Ibn Khaldoun (1332-1406) — Les Prolégomènes, première partie

 

Participation à Kheperu n Kemet
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