Livre
Couverture du disque "Black is Beautiful" (1970) du groupe The Douglass High School Choir.
« La sur-affirmation consiste à revendiquer, voire mettre en avant le soi déprécié: ce qu'on a appelé le "retournement du stigmate". On connaît l'exemple de "Black is beautiful". On entre ici dans le groupe des "identités réactionnelles", c'est-à-dire construites en réaction à un élément de l'environnement auquel on devient sensible comme à un stimulus exclusif. La stratégie de la sur-affirmation est susceptible de degrés divers: depuis l' "identité-défense", où le sujet se préoccupe seulement de se rendre indifférent, imperméable au regard dépréciateur, jusqu'à l' "identité polémique", chargée d'agressivité, où il passe à l'attaque contre l'autrui méprisant. Le danger potentiel est que l'identité réactionnelle évolue vers le pur mécanisme de défense, formation qui décolle volontiers de la réalité pour s'acheminer vers l'imaginaire et prendre ainsi un caractère délirant. »
Carmel Camilleri, "Chocs de cultures, concepts et enjeux pratiques de l'interculturel", p.383-384
« L'on a reproché à la négritude de biologiser l'identité: l'on reprochera sûrement à la coolitude de substantialiser une ancienne condition sociale, voire castique, et à la batarsité (cf. infra) d'entretenir le bioracisme endémique qui sévit dans les sociétés structurées par l'esclavage aux Amériques et dans l'Océan Indien. Ces courants pseudo-identitaires ont en effet adopté la posture protestataire qui consiste à suraffirmer - en le revendiquant - le (bio-) soi déprécié. C'est "ce qu'on a appelé le « retournement du stigmate. »"
Juliette Sméralda, "L'Indo-antillais entre noirs et békés: approche socio-anthropologique d'une société plurielle", p.251
« La stratégie du retournement du stigmate ou stratégie de similarisation/valorisation de soi consiste à rechercher l’excellence en assumant son stigmate »
Amina Triki-Yamani, "Rapport aux savoirs des étudiantes moutahajibâte françaises", Education canadienne et internationale, Vol. 40 no. 2 - September 2011, p.80
Couverture de l'album "Black is Beautiful" de Dean Blunt et Inga Copeland dans une sur-affirmation du stigmate "ébène" largement utilisé par les esclavagistes pendant la période de l'esclavage.
« Être stigmatisé, c’est posséder "une identité dévalorisée, jugée inférieure par les autres". La dévalorisation issue de la stigmatisation peut entraîner un déficit d’estime de soi chez les personnes stigmatisées. Plus la discrimination est stable et chronique, récurrente, inscrite dans les fonctionnements de la société et perçue comme légitime par le stigmatisé, plus le sentiment d’un déficit d’estime de soi est important.
Être stigmatisé, c’est être perçu et désigné en référence aux stéréotypes négatifs associés à un ou plusieurs de ses attributs. Le stigmate comme "un attribut qui jette un discrédit profond sur celui qui le porte" (Gauffman, 1975) constitue une atteinte à la personne. Il nuit à la construction positive de soi. La personne est écartée du jeu social car elle ne peut défendre une "valeur sociale positive". Discrimination et stigmatisation sont ainsi liées: la stigmatisation d’un groupe, à travers une catégorisation par rapport une caractéristique, produit de la discrimination. En retour, la discrimination produit de la stigmatisation par effet de "rétroaction négative".
Le stigmate peut créer le comportement. En retour, il existe des processus de retournement du stigmate qui font du stigmate un médium de communication, de revendications, d’actions, etc. Le stigmate est alors mobilisé et revendiqué par le stigmatisé comme révolte contre sa situation de dominé (comme dans les slogans noirs-américains "Black is beautiful", "Black Power" ou les jeunes "issus de l’immigration" mettant en avant leur origine nationale). »
Stigmate, stigmatisation et discrimination, discrim.fr
« En sociologie, la notion de stigmate est associée au nom de Goffman. […] Le stigmate est un attribut propre à un individu, c’est souvent une marque négative. Cet attribut, s’il est connu et reconnu par d’autres individus, devient un moyen de discrédit et de pression. […] Goffman distingue trois types de stigmates:
– "les monstruosités du corps" ou stigmates corporels, qui correspondent à l’ensemble des différences physiques qu’elles soient liées au corps (l’obésité, le nanisme, un bec de lièvre, etc.), à des handicaps physiques ou à d’autres troubles visibles sur un individu;
– "les tares du caractère" ou stigmates individuels, qui correspondent aux particularités propres à un individu ou à son passé: l’alcoolisme, l’homosexualité, le divorce, le chômage, la prison, l’orientation politique, etc.;
– "les stigmates tribaux" qui correspondent à tout ce qui est transmis de génération en génération comme la religion, la couleur de la peau, la situation sociale, la nationalité, etc. »
Chloé Bonnet, "L’élève « tête à claques » Une situation scolaire discriminatoire"
Illustration de Emmanuel Kongolo
« Il faut savoir que les retombées des préjugés raciaux ne sont pas de même nature que les retombées des préjugés sociaux. Dans le premier cas, les séquelles sont durables et douloureuses, parce qu'elles touchent à la structure de la personnalité de la victime, qui finit par se penser en terme de "stigmate" tout entier, et cette vision incorporée d'elle-même aura des répercussions sur l'ensemble de ses actions. »
Juliette Smeralda, "Du cheveu défrisé au cheveu crépu", p.16
« Goffman s'est posé la question de savoir comment la personne stigmatisée réagit à sa situation, une fois le stigmate incorporé. Dans certains cas, considère-t-il, il lui est possible d'essayer directement de corriger ce qu'elle estime être le fondement objectif de sa déficience. C'est ce qui se passe lorsqu'une personne décide de se soumettre à une chirurgie esthétique (parce qu'elle considère son nez camus, par exemple comme difformité), ou bien lorsqu'une personne décide de changer la texture de son cheveu, parce que celle-ci ne lui paraît pas "esthétique", l'argument avancé pour justifier cet acte dût-il être la "facilitation" de la coiffure.
[…] La peau noir, et le cheveu crépu, sont classés, dans la culture occidentale, cela a déjà été dit, comme des signes incarnés de stigmates raciaux, qui participent de ce fait d'une identité sociale dévalorisée du porteur.
[…] Un symbole de stigmate (le cheveu crépu) est ainsi remplacé par un symbole de statut et de prestige social (le cheveu lisse). Le même phénomène est à l'œuvre chez les personnes qui s'éclaircissent la peau. Le défrisage est donc bien un signe qui transmet de l'information sociale sur la personne qui le pratique. »
Juliette Smeralda, "Du cheveu défrisé au cheveu crépu", p.20 et 21
Le nombre de stigmates connotés positivement sont nombreux dont le mot "ébène" et tant d'autres. Mais le plus grand stigmate a être intériorisé est le mot "Noir". Ce stigmate qui a été connoté positivement par tout un peuple est traité en profondeur dans l'ouvrage "Les Noirs, Au Cœur d’une Institution millénaire Eurasiatique" de Amouna Ngouonimba.
Nous ne sommes pas des Noirs
Le vocabulaire d'emprisonnement
Bantu, Nilotique, Pygmée, la supercherie dévoilée
Identité culturelle ou identité biologique?
La supercherie de l'identité noire
Le retournement du stigmate en emblème