ANTIME BARANSHAKAJE
Antime Baranshakaje est du lignage des Abanyigisaka, une famille responsable des tambours sacrés à Gishora près de la ville de Gitega au Burundi. Il est versé dans la science des rythmes du tambour depuis l'âge de 3 ans. Actuellement, il est le tambourinaire le plus célèbre du pays avec des tournées à l'international à son compteur pour faire connaître les rythmes divins des tambours du Burundi et il est toujours aussi actif aujourd'hui comme témoigne sa prestation remarquable au premier Festival du Tambour à Gitega le 3 mars 2012.
Il est né et vit à Gishora, un des sanctuaires des tambours sacrés qui a été créé au 19e siècle par Sa Majesté Umwami (roi) Mwezi Gisabo. Se trouve à Gishora deux tambours sacrés liés à la fertilité agricole dont les noms sont "Ruciteme" (celui pour lequel on débroussaille) et "Murimirwa" (celui pour lequel on cultive). Sur la photo ci-contre, on voit Antime poser à côté des deux tambours sacrés "Ruciteme" et "Murimirwa". Devenu un monument national, il s'attèle à transmettre son savoir aux nouvelles générations. À Gishora, réside donc les tambourinaires, les Abatimbo ("ceux qui frappent avec force").
Depuis toujours, les tambours occupent une place importante dans la société burundaise. Avant l'invasion allemande et belge, les tambours occupaient notamment une place centrale dans la fête annuelle des semailles (Umuganuro) et aussi d'autres cérémonies d'envergure au temps du royaume. D'ailleurs, l'envahisseur belge a combattu farouchement l'Umuganuro en la qualifiant avec culot « d'abomination païenne » et la dernière fête des semailles eut lieu à Bukeye en 1929. L'Umuganuro assurait le fondement sociétal du Burundi et constituait le lien entre le roi et son peuple. Cette fête était organisée pour la fécondité des terres et un hommage était rendu à Karyenda, le tambour sacré.
Le nom générique d'un tambour est "Ingoma" et la baguette utilisée pour le frapper se dit "Umurisho". Lorsqu'un tambourinaire tourne l'umurisho autour du cou, cela veut dire qu'il fait serment de fidélité au roi sinon qu'on le tue ("Que je meure si je trahis mon pays !"). Avec l'arrivée de la république, les tambours ont cessé d'être l'exclusivité de la cour royale et se sont démocratisés dans le public.
ANTIME, MA MEMOIRE.
« Mémoire d’un peuple, mémoire pour des siècles
Gardien du dernier sanctuaire, Chef incontesté
Il a soixante-dix-sept ans
Il joue depuis ses trois ans.
Antime raconte son clan,
La résistance de nos rois
Ancêtres oubliés et tambours sacrés.
Se tient droit, tel un monument,
Il parle sans dents de l’arrivée des hommes blancs,
De sa fidélité au roi
D’un autre temps.
Ici vécut GISABO,
Ici c’est RUCITEME à GISHORA
Les secrets sont bien gardés,
Et la relève sera assurée.
Il parle de nos MWAMIs , de leurs épopées,
Des guérillas contre les Allemands.
Lance à la main, bouclier de la Nation
L’histoire c’est lui
Il lance un cri, le son des tambours retentit
Par de là les collines,
Le peuple sait,
Antime est toujours là!
Il les protège des vivants,
Les ancêtres lui ont légué leurs enfants.
Un rempart contre le temps
Touristes et marchands d’événements sont venus.
De ses vieux muscles bien tendus, le vieux sage conte son récit
Il lance sa vielle carcasse
Le combat n’est pas perdu, la lutte continue
Nous jouerons jusqu’au bout,
Leurs bombes et leurs grenades ici n’ont rien détruit.
Sous le panneau du ministère,
Antime raconte son grand père
Vive l’aumône du sanctuaire
Il nous expose et nous donne en pâture
Nos secrets, nos rites et nos enfants sont leur mine à ciel ouvert
Il range son clan, Abanyarusaka, ordres, rigueur
Dit qu’il faut sourire,
Il se tient droit et lance son cri
YEMWE MWABAHEBERA MWE!!!!!!!EHHHHHH
Chauffe le tambour chauffe sous soleil d’Afrique
Offre nous le rythme de ton cœur
Il est Antime le terrible
Peut-être... sommes-nous encore Libres? »
Poème de Teddy Mazina