Le refus catégorique de la tutelle intellectuelle et l'africanisme aux abois

Livre

François-Xavier Fauvelle-Aymar

François-Xavier Fauvelle-Aymar.
© Université de Toulouse II - Le Mirail

« Aussi devant la puissante propagation des idées et de la pensée de Cheikh Anta Diop que ses aînés n'ont pu empêcher, un africaniste comme François-Xavier Fauvelle s'inquiète-t-il et se met-il à ressentir cette frayeur qui fait accoucher d'un exposé non seulement marqué par le poids de son incompétence, mais aussi ponctué par des insinuations mensongères qui n'ont d'autres buts que de jeter le trouble dans les esprits. "Discrédite ce que tu es incapable de critiquer" pourrait être la devise de François-Xavier Fauvelle et de beaucoup d'africanistes de service.


En outre, du 26 février au 2 mars 1996 à Dakar, à l'occasion de la commémoration mondiale du Xè anniversaire de la mort du professeur Cheikh Anta Diop, l'Afrique noire a reçu la visite de François-Xavier Fauvelle et d'Alain Froment, qui, faut-il le rappeler, sont considérés par les leurs comme les étoiles montantes du néo-africanisme. L'intention de Fauvelle n'était pas tant de se mesurer scientifiquement aux chercheurs africains et non africains de sa catégorie que de chercher à convaincre un nombre important de jeunes Africains de se détourner de Cheikh Anta Diop, idéologue sans scrupule, grand manipulateur, etc. L'auteur de ce livre a été témoin des méthodes racistes, des actions de nuisances et de certains agissements obscurs de François-Xavier Fauvelle lors de cette semaine historique à Dakar.


Chaque soir, en effet, les jeunesses panafricaines venues assister à cette commémoration se réunissaient à l'ENAM (École Nationale d'Administration et de Magistrature), pour discuter de l'œuvre de Cheikh Anta Diop et des problèmes de l'Afrique contemporaine et voir comment elles pouvaient utiliser les idées du grand penseur, afin de contribuer à la Re-naissance et au salut des peuples africains. C'est pendant ces moments que Fauvelle, tel un chasseur nocturne, rôdait autour de ces jeunes Africains afin de tenter de leur distiller "ses conseils" à la moindre occasion qui se présenterait. Il réussit à se faire inviter lors de la première réunion-débat qui eut lieu le mardi 27 février à partir de 22 heures dans la salle du réfectoire de l'ENAM où il était présent avec l'autre invité du jour, le marxiste Amady Aly Dieng, qui, dans un élan d'antidiopisme bien connu chez lui1, était devenu son allié de circonstance.


1Pathé Diagne disait d'ailleurs d'Amady Aly Dieng qu'il était "l'un des universitaires africains les plus critiques pour ne pas dire hostiles à l'œuvre de Cheikh Anta Diop" (Pathé Diagne, "Cheikh Anta Diop et l'Afrique dans l'histoire du monde", Sankoré/L'Harmattan, Paris, 1997, p.126.)


Les jeunes Africains présents ce soir-là appartenaient à plusieurs associations panafricaines, notamment la Génération Cheikh Anta Diop du Burkina Faso, la Jeunesse Cheikh Anta Diop du Mali, le Collectif des Structures Panafricaines, etc. Il faut noter que François-Xavier Fauvelle était d'ailleurs le seul Blanc présent dans la salle. Avec Amady Aly Dieng, ils ont tenté en vain de dissuader les jeunes Africains d'emprunter les voies tracées par Cheikh Anta Diop, et leur ont maintes fois suggéré d'accueillir ses idées avec nuances.


D'ailleurs, Fauvelle ne cessait de répéter que "ce qui est vraiment formateur en histoire, c'est justement le complexe, c'est la nuance". Heureusement pour l'Afrique, ce soir-là, ils furent surpris de trouver en face d'eux des jeunes Africains solidement formés et maîtrisant parfaitement la problématique posée par Cheikh Anta Diop. Ce fut véritablement un échec et une déroute intellectuelle pour Fauvelle et Dieng. Devant la détermination de ces jeunes, Amady Aly Dieng, qui déclara défensivement pendant le débat qu'il n'était pas "un psychiatre pour les jeunes troublés ou perturbés", préféra se dérober sur la pointe des pieds, comme un combattant d'arrière-garde, trois quarts d'heure seulement après le début des discussions.


Quand à François-Xavier Fauvelle, plus patient, il poursuivit péniblement les débats, mais fut malmené intellectuellement. Entêté, il se pointa le lendemain soir vers 21 heures 30 pour assister à un nouveau débat et essayer d'accomplir la petite besogne pour laquelle il était venu. Dès qu'il ouvrit la porte de la salle de réunion en espérant se faire inviter de nouveau, certains jeunes, qui estimaient qu'ils n'avaient plus de temps à perdre, s'écrièrent: " encore lui ! ". François-Xavier Fauvelle se ravisa aussitôt et préféra ne pas entrer. Il avait apparemment compris que son petit jeu n'aurait aucun effet sur ces jeunes.



La question des Blancs qui se disent spécialistes de l'Afrique.

Pour en terminer avec le propos que nous venons de développer, il faut dire que, d'une manière générale, la catégorie d'africanistes à laquelle appartiennent ceux dont nous venons de parler, accepte mal ou refuse d'admettre les œuvres de Cheikh Anta Diop, Théophile Obenga et leur école en raison aussi – et surtout – de leur éducation. Et Jean Devisse, qui fut jadis un des grands pourfendeurs de Cheikh Anta Diop, a fini par reconnaître ce fait dans un mea-culpa étonnant:


"Il y a une catégorie de contestations qui encore est très répandue, il faut le dire, au Nord en particulier. C'est une contestation qui repose sur les données culturelles enseignées, acquises, à partir de l'éducation des jeunes Européens ou des jeunes Américains. Et c'est une contestation globale, il n'est pas possible d'admettre et je ne parle pas en mon nom, que l'humanité ait une origine noire. Il n'est pas possible d'admettre que les capacités techniques des Africains soient égales ou supérieurs à celles des gens du Nord, etc."2


2Jean Devisse cité par Joseph-Marie Essomba, "Cheikh Anta Diop et son dernier message à l'Afrique et au monde", AMA/COE, Yaoundé, 1996, p.88


On peut rappeler au passage que Jean Devisse, qui fut, au milieu des années 80, Directeur du Centre de Recherches Africaines (CRA) de Paris, prononça ces paroles en présence de Cheikh Anta Diop, lors d'une table ronde portant sur "l'Égypte pharaonique et le continuum historique africain", à l'occasion du colloque sur l'archéologie camerounaise organisé en janvier 1986 à Yaoundé. Il avait enfin compris, en ce qui concerne la problématique posée par Cheikh Anta Diop, qu' "il ne s'agit pas d'un affrontement entre Blancs et Noirs, Jaunes et Blancs, ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit. On est en présence de la même humanité et il s'agit de rétablir la chronologie des évènements"3.


3Jean Devisse cité par Joseph-Marie Essomba, "Cheikh Anta Diop et son dernier message à l'Afrique et au monde", AMA/COE, Yaoundé, 1996, p.88


Mais pour les Africanistes, l'enjeu est de taille si on considère la perspective dans laquelle ils placent les choses. Ils avaient été habitués à guider les Africains et à diriger leurs travaux dans des directions inoffensives pour les intérêts européens. Sur ce, survient une école scientifique authentique, et complètement indépendante créée par un Africain érudit. C'est ce "scandale" qu'ils ne sont pas disposés à digérer, d'autant plus que cela va, à terme, menacer leur fonction propre par rapport à l'Afrique. »



Doué Gnonséa
Extrait de "Cheikh Anta Diop, Théophile Obenga: Combat pour la Re-naissance africaine", L'Harmattan, p.148 à 151



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