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Le Président Thomas Sankara.
« Une jeunesse mobilisée est dangereuse, une jeunesse mobilisée est une puissance qui effraye même les bombes atomiques. Il y en a qui possède les bombes atomiques et qui ont des problèmes avec d’autres peuples qui, eux, ne possèdent pas la bombe atomique. Mais pourquoi ils n’osent pas l’utiliser ? Parce qu’ils savent très bien que dans ces peuples qui osent les attaquer, ils trouvent une jeunesse mobilisée, une jeunesse prête à mourir.
Et nous, nous vous disons, jeunesse de Haute-Volta, mobilisez-vous; l’ennemi est à nos portes, l’ennemi est chez nous et l’ennemi passera par des méthodes violentes, l’ennemi passera par toutes sortes d’actes crapuleux.
Nous connaissons les débarquements fascistes qui ont été organisés çà et là contre des peuples mobilisés. Nous connaissons aussi des crimes abominables qui ont été organisés contre des peuples mobilisés.
Jeunesse Voltaïque, ou bien vous vous mobilisez et vous avez l’ennemi en face, ou bien vous faites la politique de la collaboration avec l’ennemi et il ne vous attaquera pas mais il vous exploitera.
Mobilisez-vous !
Attaquez-le !
[…] Nous savons qu’aujourd’hui, en Haute-Volta même, sont en train de trembler tous ceux qui ont peur d’une jeunesse mobilisée. Qu’à cela ne tienne, nous irons de l’avant.
Qu’à cela ne tienne, nous ne connaîtrons jamais l’échec parce que le jour où l’ennemi aura eu raison de nous, c’est que nous ne sommes plus en vie. Tant que nous serons en vie, nous connaitrons le succès.
Jeunesse Voltaïque, nous pensons que la dénonciation de l’ennemi extérieur et la dénonciation de l’ennemi intérieur, passent également par des actes concrets.
C’est pourquoi, nous vous avons conviés à des réalisations d’actes concrets, tenant compte des besoins réels du peuple Voltaïque. Nous avons décidé de lancer un certain nombre de chantiers.
Ces chantiers sont pour l’instant des théâtres populaires qui vous permettront d’organiser de manière libre et dans des conditions décentes, des représentations théâtrales, des conférences, des meetings, des projections cinématographiques, et ces théâtres populaires seront également les lieux de rencontres de discussions et de débats, d’échange d’idées, de critiques et d’auto critiques; c’est-à-dire de volonté d’aller de l’avant (…) qui de volonté de comprendre la situation politique, les impératifs idéologiques.
Nous vous avons également conviés à des travaux tendant à organiser dans nos villes des places de meeting. Sur ces places de meeting vous, jeunes de Haute-Volta vous construirez des monuments dédiés au peuple voltaïque en marche pour sa libération.
On nous dit que ces chantiers ne sont pas prioritaires, c’est vrai ils ne sont pas prioritaires; mais nous avons décidé de commencer par là parce que nous savons également que ces chantiers n’entrainent aucune charge récurrente. Nous savons qu’avec ces chantiers, il n’est pas besoin d’études longues, de dispositions financières budgétaires d’entretien.
Nous voulons qu’à travers ces chantiers nous puissions tester notre capacité d’organisation, notre capacité de mobilisation, notre capacité de réalisation.
Mais après ces chantiers, faites-nous confiance, si le succès est acquis, nous lançons des opérations ambitieuses; ces opérations, ça sera la construction de centaines et de centaine d’écoles; ces opérations, ça sera la construction de centaines de dispensaires; ces opérations, ça sera la construction de centaines de kilomètres de route; ces opérations, ça sera la construction de dizaines de barrages; pour ne citer que les actes concrets, pour ne citer que les actes physiques.
Mais la jeunesse voltaïque aura également l’occasion de s’engager vers d’autres combats, vers d’autres réalisations. Et en attendant donc que nous ouvrions des chantiers pour construire les écoles, les dispensaires, les barrages, les routes,… les ministères techniques intéressés et concernés au plus haut point, s’attellerons, et certain si attèlent déjà, à faire les études nécessaires, à faire les études correctes, pour que les chantiers démarrés, le succès soit total.
Cela sera pour nous l’occasion de montrer que nous pouvons doubler, quintupler le taux de scolarisation en l’espace d’un an sans intervention impérialiste, sans intervention néocolonialiste, sans tentative de domination.
C’est ça la libération !
La libération ne se mesure pas au projet que l’on réalise après avoir parcouru 25 pays capitalistes, impérialistes et dominateurs pour collecter des milliards. C’est de l’inconscience, c’est de la collaboration, c’est un attentat contre le peuple. Et nous sommes contre les attentats. La libération c’est d’abord prendre en main son destin sur son propre sol.
[…] Parler du peuple suffit à remplir la vie d’un homme, par conséquent parler du peuple, ne serait-ce que dans sa portion qui s’appelle la jeunesse, suffit à nous occuper tout le long de notre vie; parce que nous serons toujours jeunes.
Jeunes parce que nous allons continuer à dénoncer; jeunes parce que nous allons continuer à combattre; au lieu de ces personnes qui n’ont peut-être que 18 ans, mais qui déjà parlent de résignation, parlent de sagesse, parlent de ménager, parlent de compromis; il n’est pas question de compromis. »
Thomas Sankara,
Extrait de son discours à le jeunesse à Bobo-Dioulasso le 14 mai 1983. Trois mois plus tard, il deviendra président de la Haute-Volta qu'il rebaptisera Burkina Faso.
Les nouveaux Sankara.