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Déclaration de
Dr. Barryl A. Biekman
Porte-Parole de la Société Civile

Nations Unies,
New York
10 décembre 2014

Monsieur le Président, Excellences, Honorables Invités, Représentants des Familles Africaines et de la Société Civile,

En ce moment historique de lancement de la Décennie Internationale pour les Personnes d’Ascendance Africaine, je vous adresse les salutations des membres de TIYE INTERNATIONAL, du Mouvement SOPHIEDELA des femmes Européennes Africaines, de la PLATEFORME HOLLANDAISE SUR LE PASSÉ D’ESCLAVAGE, de la COALITION MONDIALE POUR LA DÉCENNIE INTERNATIONALE POUR LES PERSONNES D’ASCENDANCE.

Monsieur le Président,
Nous soutenons la Décennie Internationale pour les Personnes d’Ascendance Africaine et son mandat de mise en œuvre des recommandations émanant de la Déclaration et du Programme d’Action de Durban (DDPA) adopté par la Conférence Mondiale Contre le Racisme, la discrimination raciale et l’intolérance qui y est liée de 2001 (CMCR), ainsi que de la Convention Internationale sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination Raciale (CERD).

Monsieur le Président,
Il faut rappeler ici que l’obtention de la Décennie Internationale n’est pas arrivée comme un cadeau tombé du ciel. Elle n’a pu être obtenue que par un long combat panafricaniste porté par ces organisations de la société civile qui se sont engagées dans la mise en œuvre du DDPA, et enfin en raison de la forte implication du Groupe de travail d'Experts sur les Personnes d'Ascendance Africaine (WGPAD), et à cet égard j’adresse un merci particulier au Dr. Mireille Fanon et au Professeur Dr. Verene Shepherd, sans oublier le soutien reçu du Groupe des États Africains et de la grande majorité des Etats membres de l'Organisation des Nations Unies. Un merci spécial va donc aux États africains pour leur rôle dans la défense de la Déclaration et du Programme d'action de Durban, ainsi qu’à l'Union Africaine pour la constitution de la famille mondiale de la Diaspora Africaine comme 6ème région de l’Union.

Monsieur le Président,
Le lancement de la Décennie aujourd'hui est une grande victoire pour la cause de la justice, en tant que forte réaffirmation et appel à une mise en œuvre pleine et effective du DDPA. Nous espérons que la Décennie mettra un point final à l'opposition, au sabotage et au dénigrement du processus de suivi de Durban, auxquels nous avons continuellement assisté depuis le succès de la Conférence Mondiale Contre le Racisme en 2001.

Lors de la Conférence mondiale contre le racisme, la déclaration de la traite négrière transatlantique, de l'esclavage, du colonialisme et de l'apartheid en tant que crimes contre l'humanité, furent au cœur de la demande des peuples d’Afrique et de la Diaspora sous le leadership du Mouvement pour la réparation du 12 Décembre et de beaucoup d’autres Coalitions Panafricaines pour la réparation. En fait, ainsi que l’ont déclaré en 2001 les Nations Unies, y compris la République du Surinam à travers sa Représentation Permanente en la personne de l’Ambassadeur Udenhout, l’esclavage transatlantique fut le plus long et le plus abject crime contre l'humanité jamais perpétré qui a duré pendant plus de trois siècles.

La Traite négrière transatlantique, l'esclavage, le colonialisme et l'apartheid ont détruit le développement de l'Afrique et enrichi l'Europe et les colons européens dans les Amériques. Ils ont instauré le système du racisme et de la discrimination raciale, pour être précis l’Afrophobie, dont les peuples d’Afrique et de la Diaspora subissent les effets et l’impact jusqu'à aujourd'hui.

Monsieur le Président,
Nous avons vraiment des raisons d'être heureux avec la création de la Décennie. Mais nous avons aussi des raisons d'être déçus. Parce que, malgré l'adoption le mois dernier par l'Assemblée Générale du Programme d'activités, des acteurs étatiques puissants, dont ceux qui ont boycotté la Conférence d'examen de Durban de 2009 ainsi que la commémoration en 2011 du 10e anniversaire de l'adoption du DDPA, poursuivent leurs efforts pour vider le DDPA de sa substance.

Nous déplorons les 9 voix contre et les 42 abstentions exprimées, mais nous saluons les 121 votes en faveur de la résolution sur les actions contre le racisme et pour la mise en œuvre complète du DDPA, approuvé le 26 Novembre par la Troisième Commission de l'Assemblée Générale.

Dans le même temps, nous sommes effarés que les pays qui se sont abstenus aient réussi à supprimer un paragraphe du projet de résolution du G77, qui avait le soutien de la majorité des États et qui déclarait:

« Félicite la contribution constructive des Organisations Non Gouvernementales aux mécanismes de suivi de Durban et au Conseil des droits de l'homme, laquelle a grandement contribué à l'élaboration du Programme d'activités et à la préparation de la Décennie Internationale ».

Monsieur le Président,
la vérité a le pouvoir inhérent de produire les effets escomptés. La reconnaissance pleine et irrévocable par tous les pays que la traite négrière transatlantique, l'esclavage, le colonialisme et l'apartheid étaient un crime contre l'humanité est nécessaire pour la crédibilité de la Décennie. À défaut, nous avons des raisons de douter de la sincérité des Etats à rétablir les droits des personnes d'ascendance africaine au cours de la Décennie. C’est pourquoi, au nom de l’ensemble des familles d’ascendance africaine à travers le monde, j’exhorte tous les parlements et gouvernements des États nationaux, à reconnaître officiellement et à déclarer la traite négrière transatlantique et l'esclavage crimes contre l'humanité, ainsi que l'ont déjà fait certains pays. Nous appelons tous les pays qui ont organisé, participé et profité de la traite négrière transatlantique et de l’atroce travail-esclave par les ancêtres africains kidnappés, à présenter dans une première étape leurs sincères excuses, et nous exhortons tous les gouvernements et parlements concernés, à se saisir de cette question urgente.

Nous nous félicitons vivement des efforts déployés par les gouvernements et États de la Caraïbe pour placer la question des Réparations à l'Agenda International. Pour les familles d’ascendance africaine, le thème retenu pour la Décennie, « Reconnaissance, Justice, Développement », est pour nous synonyme de Réparation des dommages, qui doit devenir le concept global de la Décennie. Les Réparations ne se limitent pas à la réparation matérielle, mais englobent quelque chose de plus fondamental relatif à la restauration de tous les aspects des droits des personnes d'ascendance africaine.

Monsieur le Président,
Nous invitons par conséquent tous les États membres, tel que proposé par la COALITION MONDIALE POUR LA DECENNIE INTERNATIONALE DES PERSONNES D'ASCENDANCE AFRICAINE, à reconnaître et honorer la Décennie comme « Décennie de la Réparation ».

Nous croyons que le droit des Personnes d'Ascendance Africaine à connaître leurs droits tels que consacrés dans le DDPA et dans d'autres instruments des Droits de l’Homme doit être assuré au cours de la Décennie. La Décennie doit devenir un cadre pour traiter la concentration de misère et de désavantages à laquelle les personnes d’ascendance africaine sont confrontées où qu’elles vivent: la pauvreté, la discrimination raciale et le manque d'accès aux droits humains et à leurs institutions, les taux élevés de chômage et d'emprisonnement, la vulnérabilité à la violence et le manque d'accès à la justice, le manque d'accès à une bonne éducation, aux soins médicaux, au logement, les multiples formes de discrimination et de marginalisation politique et économique, et la stigmatisation.

Les éducateurs et chercheurs sur la fracture raciale conviennent que,
(a) l'objectif premier de l'éducation est d'élever et améliorer la vie de tous les individus,
(b) le bon type d'éducation est celui qui engendre une identité positive, l'estime de soi, la confiance en soi y compris l'amour, le respect et l'appréciation de sa propre histoire et de sa propre culture.

Nous appelons donc à adapter l'éducation tant formelle qu’informelle pour les étudiants d'ascendance africaine et autre, afin que le système éducatif cesse de marginaliser l'Afrique et de reléguer les Africains à la périphérie de tout ce qu’il y a d'important, de sorte que la plupart que nos prochaines générations africaines puissent dire:

« Je ne redoute pas, du fait de la couleur de ma peau, d'être un Africain ...., je suis fier d'être un Africain ....... ».

Monsieur le Président,
Nous avons vu la situation à laquelle les personnes d'ascendance africaine dans le monde sont confrontées devenir de plus en plus précaire... et dans cette urgence, nous attendons de la Décennie Internationale des résultats concrets. Les organisations de base de la société civile de la diaspora africaine ne peuvent pas se permettre de laisser qui que ce soit en arrière parmi les membres de la diaspora africaine et de la société civile africaine dans le monde. Chaque forum, chaque atelier, chaque compte-rendu et évaluation, chaque session de planification et chaque projet de mise en œuvre sur le terrain, doivent associer étroitement les représentants de la société civile et les communautés de base. Et nous n’insisterons jamais assez sur l'importance d'inclure systématiquement des femmes, des jeunes gens filles et garçons, la génération future, à parité. Les laisser en dehors reviendrait à laisser de côté nos cœurs et nos âmes, notre être profond.

Quand un homme Africain Américain est étranglé à mort par la police dans les rues de New York, nous, personnes d'ascendance africaine, ressentons au plus profond cet étouffement. Nous joignons nos voix en solidarité avec tous ceux qui manifestent pour exiger justice pour les victimes de la brutalité policière fondée sur la race. Cette situation indique clairement que le racisme institutionnalisé est toujours vivant et qu’il faut intensifier dans tous les pays les campagnes de lutte contre toutes les formes de racisme et de profilage racial, ainsi que contre la violence symbolique et psychologique. La figure du « Black Pete » (père fouettard noir) dans la tradition culturelle historique de célébration annuelle néerlandaise du Père Noël, n’est pas qu’un problème des Pays-Bas en raison de la reprise de stéréotype de l’Africain (Noir) et de l’ancrage dans une tradition culturelle historique commune; un langage stéréotypé qui fait que des personnes continuent à nous appeler « nègres » et qu’on retrouve les mêmes situations racistes dans d'autres parties de l'Europe et du reste du monde.

Monsieur le Président,
Au nom des familles de la diaspora africaine mondiale, j’invite chacun à se joindre à nous pour mettre en œuvre le Programme d’activités dans l’esprit de « Reconnaissance, Justice et Développement ». Parce que cette Décennie requiert le soutien résolu et l’engagement de tous: structures internationales, régionales, nationales, parties prenantes et personnes de bonne volonté du monde entier.

Je vous invite tous à faire de cette « Décennie de la Réparation » un grand succès.

Je vous remercie, Monsieur le Président.

> Traduction en français par MIR-France (Mouvement International pour les Réparations).

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publié le 12 décembre 2014

Lancement de la Décennie Internationale pour les personnes d’ascendance africaine

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